Origine et déterminants de l’épidémie de choléra 2012 en République de Guinée (2012)
Sous-titre : Apports de la cartographie dynamique et de l’épidémiologie moléculaire
Auteurs / Organisations : DPLM, DNSP, Ministère de la Santé Guinée, UNICEF, APHM
Année : 2012
Pays : Guinée
Après plusieurs années d’accalmie, la Guinée et la Sierra Leone ont été frappées en 2012 par une épidémie de choléra responsable de 7 351 cas et 138 décès en Guinée, 22 815 cas et 296 décès en Sierra Leone. En dépit d’implications pratiques majeures en termes de santé publique, la question de l’origine des épidémies de choléra dans les régions côtières africaines n’est pas tranchée. Beaucoup considèrent que les souches présentes dans l’environnement aquatique côtier sont à l’origine des reprises épidémiques, mais aucune étude ne l’a démontré formellement. Inversement, les mouvements humains, fréquents dans les zones côtières, pourraient aussi expliquer ces résurgences épidémiques. Afin de clarifier ce débat et mieux orienter leurs stratégies de préparation et de riposte aux épidémies de choléra, les autorités sanitaires Guinéennes et le département Eau-Hygiène-Assainissement de l’UNICEF Guinée ont mandaté l’Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille pour investiguer l’origine de l’épidémie de 2012 en Guinée et en identifier les principales causes de propagation dans le pays.
L’analyse combinée des résultats de cartographie dynamique, d’investigations de terrain, d’épidémiologie moléculaire basée sur le génotypage de microsatellites de souches cliniques de V. cholerae recueillies au cours de l’épidémie, et du séquençage total de l’une d’entre elles, suggère fortement l’origine importée de cette épidémie. Le choléra en 2012 est arrivé de Sierra Leone via les mouvements de pêcheurs et s’est dans un premier temps propagé le long du littoral guinéen au cours de la saison sèche. Profitant des pluies et de conditions d’accès à l’eau et d’assainissement défavorables, l’épidémie a ensuite explosé à Conakry. Son expansion vers l’intérieur a été favorisée par le trafic routier et les marchés hebdomadaires. Cette propagation s’est accompagnée d’une diversification génétique progressive à partir d’un génotype originel, présent dès le début de l’épidémie sur l’île de Kaback. Enfin, cette flambée a été causée par une souche El Tor « atypique »de V. cholerae, que l’on sait avoir émergé récemment en Asie. Cette souche présente des marqueurs génétiques de pathogénicité associés à la survenue de formes plus sévères que celles habituellement rencontrées au cours de la septième pandémie.
Suite à cette analyse, le renforcement de la coopération transfrontalière entre la Guinée et ses pays voisins afin de mieux anticiper les épidémies de choléra en amont de leur importation est recommandé. Afin de limiter le risque de propagation du choléra, il importe de mieux protéger les communautés de pêcheurs par la sensibilisation, la sécurisation des accès à l’eau potable et à un environnement sain et, comme option sérieuse à envisager, la vaccination ciblée. Afin de mieux détecter les épidémies lorsqu’elles émergent sur le territoire guinéen, il est nécessaire de dédier des agents de santé communautaires à la surveillance syndromique des diarrhées aiguës sévères, en particulier dans les ports de pêche. En zone côtière, les centres de santé devraient disposer systématiquement de tests de diagnostic rapide et milieux de transports Carry-Blair. Enfin, à partir du moment où des cas sont constatés à Conakry, il est impératif de rehausser le niveau de chloration de l’eau distribuée par la SEG, de manière à limiter les risques de contamination de l’eau soit au niveau du réseau, soit durant son stockage intra-domiciliaire.
After a lull of several years, Guinea and Sierra Leone were affected in 2012 with a cholera epidemic, causing 7,351 cases and 138 deaths in Guinea and 22,815 cases and 296 deaths in Sierra Leone. Despite its high burden and death toll as a public health issue, the question related to the origin of cholera epidemics in African west coast has not been solved yet. Most people consider that Vibrio cholerae present in the coastal water environment are at the origin of different epidemical resurgences, even if there is no formal evidence. On the opposite, people’s migrations in the coastal area could also explain the epidemical resurgence observed through time. To produce evidence to feed into this debate and that could inform, as well, cholera control and prevention strategies, the Health authorities of Guinea and UNICEF Guinea WASH department have asked to their partner Public Assistance – Marseille Hospitals to investigate the 2012 outbreak to understand the outbreak and its spreading across the country.
The origin of the epidemic was identified thanks to the combined analysis of different studies (dynamic studies, field investigations, molecular epidemiology, sequencing of clinical stem cells of V. Cholerae). It appears that, in 2012, the cholera arrived from Sierra Leone because of fishermen displacements and then spread along the Guinean coast during the dry season. Afterwards, due to the rainy season and the lack of access to safe water and sanitation, the outbreak hit Conakry city. The spreading in-land was favoured by road traffic and daily markets. This has been accompanied by a progressive genetical diversification from the genotype initially identified during the island of Kaback outbreak. Finally, this outbreak was caused by an unusual El Tor V. Cholerae strain, that is known as being recently emerged in Asia. This strain presents genetic markers of pathogenicity associated to the onset of more severe forms than the ones usually faced during the seventh pandemic.
Based on this analysis, the reinforcement of the cross-border cooperation between Guinea and its bordering countries is highly recommended to anticipate the cholera epidemic before their importation. To limit the risk of cholera spreading, it is critical to improve the protection of the fishermen communities by implementing sensitization activities, securing access to safe water and to safe environment and implementing targeted vaccination. In order to have an efficient epidemic early detection system, health community agents need to be dedicated to the syndromic surveillance of the acute severe diarrhoea, targeting in particular the coastal areas (especially harbours). There, health centres should automatically perform rapid tests and Carry-Blair transport media. Finally, by the time cases are notified, chlorine level should be increased by the water networks to limit the risk of water contamination either in the water supply network or directly in the storage at the household level.